QUEL AVENIR POUR L'EUROPE?..
QUEL AVENIR POUR L'EUROPE ?
A l'heure où l'Europe traverse une crise sanitaire grave qui succède à une impasse budgétaire, où la Politique Agricole Commune est contestée, où les négociations du Brexit s'avèrent difficiles, et où, malgré la volonté du président Macron, l'Europe de la défense ne progresse pas, on est en droit de s'interroger sur l' avenir de l'UE.
La prédominance économique de la Chine, le protectionnisme des États-Unis, la nécessité de politiques environnementales cohérentes, l'explosion de l'immigration, la crise économique qui se profile suite à l'épidémie du coronavirus militent pourtant pour un renforcement des politiques communes.
Faut-il alors faire les États-Unis d' Europe ?Avant de répondre à cette question, il peut être utile de s'interroger sur la vraie nature de l'Europe actuelle. La vieille distinction entre fédération et confédération est-elle toujours d' actualité ?
Pour le doyen Redslob, la principale distinction vient de ce que, dans une confédération , ce qui est premier, c'est le traité. Les gouvernements de plusieurs pays se mettent d'accord pour déléguer certaines compétences à des organes communs mais chaque état subsiste en tant que tel. Souvent les confédérations disparaissent ou se transforment en fédérations, auquel cas les états disparaissent pour laisser la place à un seul état, même si certaines compétences peuvent être déléguées à des instances inférieures. Dans la fédération ,ce qui est premier, c'est la volonté des peuples de s'unir.
A ce jour, l'Europe apparaît plus comme une confédération que comme une fédération : elle n' a pas ou plus de politique commune, pas de diplomatie ni d'armée commune et les peuples ne paraissent guère empressés de « faire nation ».
On voit bien qu'il existe deux tendances opposées : une force centripète et une force centrifuge. La force centripète, sous la menace de la mondialisation, pousse à plus d'intégration, que ce soit dans les domaines des politiques environnementales, fiscales, monétaires, ou économiques.
Elle s'oppose à une force centrifuge venant de régions qui souhaitent l'indépendance ou l' autonomie comme en Corse, Catalogne, Italie du Nord, ou Flandre. Elle est renforcée par l'opinion des Eurosceptiques présents dans de nombreux pays qui ont beau jeu de dénoncer la profusion de normes tatillonnes, la porosité des frontières extérieures ou intra-européennes. Les xénophobes condamnent tant le plombier polonais que le réfugié syrien, mais ils sont muets sur la manière de répondre aux 400 000 emplois non pourvus dans le bâtiment parce qu'il s'agit de travaux pénibles que les nationaux ne veulent plus faire eux mêmes.
L'ignorance des européens à l'égard des institutions européennes est effarante. Qui peut citer les 27 états membres de l'UE ? Qui connaît le nombre des membres de la zone Euro ou ceux de l' Espace Schengen ? Qui connaît la répartition des compétences entre le conseil des ministres et la commission. Les souverainistes qui critiquent sans arrêt la Commission Européenne savent-ils qu'aucune directive ou règlement ne peut être édicté sans l' accord d'un ministre français ?
Depuis la création de l'Europe, la France n'a pourtant pas eu à s'en plaindre. La France et une bonne partie de l' Europe du Sud ont vécu à l'abri des excédents allemands qui confortent l' Euro. Sans l' Euro, les économies de certains pays, dont la France, n'auraient pu survivre avec leurs déficits déraisonnables. La Grèce est l' archétype d'une économie qui se serait totalement effondrée si la zone euro n'était pas venue à son secours. Certes, les mesures imposées ont été sévères, comme pour l' Espagne et le Portugal. Mais sans l' aide européenne, il est probable que ces pays auraient pu connaître une crise semblable à celle de l' Allemagne en 1923.
Le BREXIT est pour certains un exemple à suivre, alors que dans le même temps les partis les plus europhobes ont remisés leurs arguments contre l' Euro sous la pression des opinions publiques qui souhaitent son maintien.
Accélérer le passage de l'actuelle confédération à une vraie fédération avec un gouvernement européen ayant l'entière maîtrise des principales fonctions régaliennes paraît hélas illusoire. Le vote anglais du Brexix, les votes négatifs au référendum sur la constitution européenne des français et néerlandais démontrent que les peuples ne sont pas prêts à adhérer à une vraie fédération. Vouloir renforcer les pouvoirs de la confédération au détriment des états-nations se heurte aux mouvements populistes qui ont trouvé dans la Commission un bouc-émissaire commode.
Alors quelle solution pour redonner un souffle nouveau à l'idée européenne ? La crise sanitaire sonnera-t-elle la fin du rêve ou au contraire sera -elle le révélateur de la nécessité de toujours plus d'union. La fermeture des frontières intra-européenne pour tenter de contenir la pandémie est une mesure populaire mais illusoire. Par contre un confinement au niveau européen pourra semble-t-il ralentir la propagation du virus.
Puisque la nation européenne n'est pas prête de voire le jour, et que l'actuelle Europe des nations ne donne pas satisfaction, c'est qu'il faut chercher la solution autrement, ne pas s'entêter à renforcer un système impopulaire, mais rechercher une répartition des compétences plus apprécié et plus souple entre différents échelons.
Le premier échelon, pour répondre à une désir proximité, devrait être la région. L'échelon le plus élevé serait constitué d'une fédération des régions pour remplacer l'actuelle confédération d'états inefficace . Un échelon intermédiaire, facultatif, pourrait être constitué par un regroupement de régions. De même que les communes ont la faculté de se regrouper en communautés de communes, les régions devrait avoir la capacité de se rassembler en communautés de régions qui pourraient correspondre ou non aux anciens états. Ces communautés de régions pourraient s'établir sur des critères historiques, linguistiques, géographiques ou économiques pour décider, là où c'est pertinent, des politiques coordonnées. La culture, l'enseignement, la justice pourraient être harmonisées sur des critères linguistiques. L'économie, l'aménagement du territoire, la santé sur des critères géographiques différents. Selon les domaines, on aurait donc une compétence régionale qui pourrait être étendue à une communauté de régions, et une compétence fédérale relevant d'un État fédéral unique.A l' État fédéral appartiendrait les domaines de la défense, de la diplomatie,de la monnaie, de la fiscalité.
Certains états ont devancé ce schéma qui n'est pas si irréaliste qu'il y paraît. L 'ancienne Tchécoslovaquie est entrée dans l' Europe d'une part en tant que Slovaquie et d'autre part en tant que République Tchèque. De même pour la Slovénie et la Croatie. La Flandre, la Wallonie, la Catalogne et la Corse seraient probablement satisfaites d'être membres à part entière de l' UE, tout en se ralliant à des politiques communes à un niveau pluri-régional. Ils auraient le choix de conserver leurs particularismes dans certains domaines, sans être obligé d'avoir des administrations propres dans d'autres domaines où il existe de vraies économies d'échelle. Les petits états déjà membres, comme Malte, les pays Baltes etc seraient certainement satisfaits de se retrouver d'égal à égal avec des régions comme la Bretagne ou la Bavière alors que face la France ou à l'Allemagne, ils ont l'impression de ne pas exister.
Les grands états centralisés seraient les plus réticents à perdre leurs compétences propres même si celles-ci sont parfois illusoires dans certains domaines. Mais pourront-ils résister longtemps à la volonté d'émancipation des provinces revendiquant leurs particularismes ? Beaucoup de démocraties sont confrontées à des mouvements populistes qui contestent la représentativité de leurs dirigeants. L'éloignement des centres de décisions en est une des raisons de cette contestation. Rapprocher du peuple les centres de décisions est donc une démarche judicieuse.
A l'heure de la mondialisation, les nationalistes doivent comprendre que la dimension nationale en Europe est obsolète et qu'ils doivent reporter leurs exigences au niveau soit régional, soit européen, faute de quoi ils devront se résoudre à n' être que les valets de multinationales.